"Noct" et "Blattaria" : 2 courts et La métamorphose
L'envie aujourd'hui de mettre en avant deux courts métrages, Noct et Blattaria, qui sont comme deux variations sur le même thème.
Les jeunes réalisateurs, très prometteurs, Vincent Toujas et Thomas Pantalacci, s'attaquent avec brio au mythe de la métamorphose.
Beaucoup d'analogies entre ces oeuvres: le genre d'abord (un fantastique teinté d'horreur) ; les références revendiquées (Kafka, Cronenberg, pour ne citer que les plus évidentes...) ; l'équipe (une même bande de passionnés) et bien sûr, l'acteur Thomas Barraud, à la présence indéniable, tout en fragilité, intériorité et intensité, remarquable dans la peau de ces personnages sur le fil, tour à tour reclus dans l'apathie ou pleins d'une violence contenue, qui menace à tout moment d'exploser.
Les films partent tous deux d'une situation de mal être, mal être du personnage en quête d'identité, et plongent le spectateur dans un univers instable et oppressant (quasi insupportable). Mais si l'un (Noct) s'ancre dans un réel identifiable et contemporain (le magasin, le restaurant qui nous vaut une scène très tendue, l'appartement...) un réel où s'invite l'étrange, où l'on voit le héros fantomatique errer dans des lieux dépeuplés, reflets de son paysage mental et symboles du vide qu'il éprouve et qui le déshumanise, l'autre (Blattaria), s'insère dans un monde atemporel, parallèle, quasi lynchien, où les marques du passé se mêlent aux empreintes de la modernité et où le bois (comme la ferraille pour le Cronenberg de Crash), à l'instar d'une tumeur, investit le décor (voir, notamment, ces innombrables portes, qui rappellent celles du cerveau humain, débouchant sur des impasses, des hantises, des hallucinations) jusqu'à ce qu'il s'impose incontournable dans un final quasi surréaliste.
Ce n'est cependant pas là que réside la principale différence entre les films. Elle se situe dans la conception même de la métamorphose. Et elle est de nature existentielle. Car c'est à deux visions presque contradictoires que le spectateur est confronté. Chez l'un (toujours Noct), la métamorphose, qui opère comme une mue (au sens propre comme au figuré) et qui s'apparente à un rite initiatique, amène le héros à se trouver lui-même. La quête identitaire aboutit et ouvre sur un état d'harmonie et de paix (provisoire ?). Chez l'autre (Blattaria), le propos est plus noir. La métamorphose s'assimile à une fuite et débouche sur une altérité radicale. Le mal être est rejeté/résolu dans une annihilation totale du moi.
Deux propositions, donc, bien distinctes sur la métamorphose et brillamment traduites en images.
Il n'est pas aisé de voir les courts métrages. La place qui leur est faite est bien restreinte. De nombreux festivals et autre "Nuits du court" leur sont néanmoins réservés, un peu partout. Noct et Blattaria ont déjà été diffusés ainsi. Gageons que des programmateurs avisés sauront encore leur faire la part belle. Alors, si l'occasion et la chance de les découvrir se présentent, saisissez-les !
Et toujours sur le thème de la métamorphose et puisqu'on est dans le "court", lire aussi la récente nouvelle de Frédéric Gaillard, Le petit oiseau va sortir, parue aux éditions Zonaires.